Depuis le mois de mai, beaucoup de choses ont évoluées sur le front du contrat national avec Springer pour l'année 2015. Je ne suis plus membre de l'Institut Fourier, mais évidemment je continue à suivre ce qui s'y passe ; après un vote électronique, ce laboratoire a finalement décidé d'accepter de prolonger d'un an le contrat le liant à Springer.
Ce qui s'est passé pendant l'été
Pour comprendre ce changement, il est nécessaire de revenir brièvement sur quelques évènements estivaux.
Tout d'abord, la position affichée de quelques bibliothèques de mathématiques de ne pas signer l'avenant prolongeant le contrat 2012-2014 à l'année 2015 a provoqué pas mal de réaction au sein du consortium Couperin.org. Pour faire court, la première réaction a été de tenter de modifier la décision de ces bibliothèques, soit en expliquant que l'année 2015 n'était qu'une transition qu'il fallait accepter avant d'évoluer vers un nouveau contrat, soit carrément en faisant pression par l'intermédiaire des SCD (Services Communs de Documentation, c'est-à-dire les BU). Certains laboratoire ont donc reçu des appels assez directifs de la direction de leur SCD, alors qu'ils sont censés être maître de la dépense de leur propre budget et donc de leur politique documentaire.
Dans un second temps, grâce au travail patient de la direction du RNBM (Réseau National des Bibliothèques de Mathématiques), Couperin.org semble avoir commencé à envisager que ces décisions de ne pas signer l'avenant était une force pour la négociation plutôt qu'une faiblesse. Et effectivement, les discussions de l'été avec Springer ont vu la situation évoluer : alors que l'éditeur avait imposé une hausse substantielle des prix pour 2015, il a fait l'offre suivante. Si toutes les bibliothèques concernée signent l'avenant 2015, l'augmentation des prix sera largement réduite (je ne donne pas de chiffres, car bien que n'ayant signé aucune clause de confidentialité moi-même, je me demande si Springer ne prendrait pas des chiffres précis comme une cause de rupture de son offre).
À partir de ce moment là, la situation est devenue très compliquée pour les bibliothèques qui ne souhaitaient pas signer l'avenant. En effet, l'offre de Springer ne réponds pas aux points de désaccord (les désabonnements restent très contraints, l'augmentation des prix reste légèrement supérieure à l'inflation), mais continuer à refuser de signer revient à empêcher toutes les autres bibliothèques (au niveau national et pour toutes les disciplines) de bénéficier de cette offre légèrement plus avantageuse. Les pressions pour signer se sont intensifiées, notamment au niveau du CNRS. Il faut préciser que le CNRS offre à ses unités l'accès à un grand nombre de revues Springer par son portail BiblioSciences ; la presque totalité des laboratoires de mathématiques en France étant des unités mixtes dont le CNRS est une tutelle, il aurait été compliqué d'empêcher les enseignants-chercheurs des bibliothèques désabonnées d'accéder aux ressources.
Une à une, les bibliothèques se sont donc résignées à signer. Puisque la décision de l'Institut Fourier avait été prise en AG, une nouvelle AG a été convoquée pour reprendre position au vu de l'évolution du contexte. Après un vote électronique pour associer un maximum des membres permanents, la motion suivante a été adoptée à une courte majorité (22 voix pour, contre 17 pour une motion maintenant le refus de signer).
Tout d'abord, la position affichée de quelques bibliothèques de mathématiques de ne pas signer l'avenant prolongeant le contrat 2012-2014 à l'année 2015 a provoqué pas mal de réaction au sein du consortium Couperin.org. Pour faire court, la première réaction a été de tenter de modifier la décision de ces bibliothèques, soit en expliquant que l'année 2015 n'était qu'une transition qu'il fallait accepter avant d'évoluer vers un nouveau contrat, soit carrément en faisant pression par l'intermédiaire des SCD (Services Communs de Documentation, c'est-à-dire les BU). Certains laboratoire ont donc reçu des appels assez directifs de la direction de leur SCD, alors qu'ils sont censés être maître de la dépense de leur propre budget et donc de leur politique documentaire.
Dans un second temps, grâce au travail patient de la direction du RNBM (Réseau National des Bibliothèques de Mathématiques), Couperin.org semble avoir commencé à envisager que ces décisions de ne pas signer l'avenant était une force pour la négociation plutôt qu'une faiblesse. Et effectivement, les discussions de l'été avec Springer ont vu la situation évoluer : alors que l'éditeur avait imposé une hausse substantielle des prix pour 2015, il a fait l'offre suivante. Si toutes les bibliothèques concernée signent l'avenant 2015, l'augmentation des prix sera largement réduite (je ne donne pas de chiffres, car bien que n'ayant signé aucune clause de confidentialité moi-même, je me demande si Springer ne prendrait pas des chiffres précis comme une cause de rupture de son offre).
À partir de ce moment là, la situation est devenue très compliquée pour les bibliothèques qui ne souhaitaient pas signer l'avenant. En effet, l'offre de Springer ne réponds pas aux points de désaccord (les désabonnements restent très contraints, l'augmentation des prix reste légèrement supérieure à l'inflation), mais continuer à refuser de signer revient à empêcher toutes les autres bibliothèques (au niveau national et pour toutes les disciplines) de bénéficier de cette offre légèrement plus avantageuse. Les pressions pour signer se sont intensifiées, notamment au niveau du CNRS. Il faut préciser que le CNRS offre à ses unités l'accès à un grand nombre de revues Springer par son portail BiblioSciences ; la presque totalité des laboratoires de mathématiques en France étant des unités mixtes dont le CNRS est une tutelle, il aurait été compliqué d'empêcher les enseignants-chercheurs des bibliothèques désabonnées d'accéder aux ressources.
Une à une, les bibliothèques se sont donc résignées à signer. Puisque la décision de l'Institut Fourier avait été prise en AG, une nouvelle AG a été convoquée pour reprendre position au vu de l'évolution du contexte. Après un vote électronique pour associer un maximum des membres permanents, la motion suivante a été adoptée à une courte majorité (22 voix pour, contre 17 pour une motion maintenant le refus de signer).
La nouvelle motion votée par l'Institut Fourier
L'Institut Fourier réuni en AG ce 24 septembre 2014 constate que la proposition issue de la négociation entre Springer et Couperin (concernant l'avenant 2015 au contrat 2012-2014) ne répond pas aux attentes exprimées lors de l'AG du 27 mai 2014. Malgré cela, il accepte de signer l'avenant proposé, et attend du consortium Couperin.org une négociation ferme et sans concession pour le contrat 2016, sur la base des termes de l'AG précédente, à savoir : nous demandons à Couperin de refuser toute clause empêchant les bibliothèques de réduire le montant gagé auprès de Springer ou imposant une augmentation des prix supérieure à l'inflation.
Si de telles clauses étaient cependant incluses dans le contrat 2016, nous demanderons à la bibliothèque de l'Institut Fourier de ne pas signer ce contrat et nous appellerons les bibliothèques de mathématiques françaises à s'abonner pendant un an reconductible à partir de 2016 uniquement aux revues permettant de réaliser un plan national de conservation partagée.
Si de telles clauses étaient cependant incluses dans le contrat 2016, nous demanderons à la bibliothèque de l'Institut Fourier de ne pas signer ce contrat et nous appellerons les bibliothèques de mathématiques françaises à s'abonner pendant un an reconductible à partir de 2016 uniquement aux revues permettant de réaliser un plan national de conservation partagée.
Remarques de conclusion
Il y a plusieurs façon d'interpréter ces évènements.
Des aspects positifs méritent d'être soulignés : simplement en prenant position sur une question simple de reconduction d'un contrat, un petit nombre de bibliothèques sont parvenues à faire évoluer certaines conceptions de Couperin.org (la contestation peut être utilisée pour négocier plus fermement, les scientifiques peuvent utilement être associés aux négociations) et à obtenir une économie substancielle, à défaut d'être spectaculaire (sans en dire trop, l'économie est supérieure au salaire annuel de n'importe quel enseignant-chercheur).
D'un autre côté, on voit que Springer a, encore une fois, bien tiré son épingle du jeu : en proposant une petite concession sur les prix à la condition expresse que toutes les bibliothèques signent, il a enrôlé de fait l'ensemble du système Français (Couperin.org, le CNRS, les SCD) dans la défense de ses intérêts. En l'occurrence, l'entreprise à évité ce qu'à mon avis elle craint le plus, à savoir un précédent où la transition entre deux contrats verrait pour la première fois baisser le montant payé par le système de recherche Français. De plus, le risque était grand que les quelques bibliothèques refusant de signer constatent que les désabonnements se révèlent relativement indolores : d'autres auraient été alors tentées de suivre leur exemple.
Je suis assez curieux de voir comment la situation va évoluer : il ne reste déjà plus beaucoup de temps avant les premières négociation pour le contrat commençant en 2016...
Des aspects positifs méritent d'être soulignés : simplement en prenant position sur une question simple de reconduction d'un contrat, un petit nombre de bibliothèques sont parvenues à faire évoluer certaines conceptions de Couperin.org (la contestation peut être utilisée pour négocier plus fermement, les scientifiques peuvent utilement être associés aux négociations) et à obtenir une économie substancielle, à défaut d'être spectaculaire (sans en dire trop, l'économie est supérieure au salaire annuel de n'importe quel enseignant-chercheur).
D'un autre côté, on voit que Springer a, encore une fois, bien tiré son épingle du jeu : en proposant une petite concession sur les prix à la condition expresse que toutes les bibliothèques signent, il a enrôlé de fait l'ensemble du système Français (Couperin.org, le CNRS, les SCD) dans la défense de ses intérêts. En l'occurrence, l'entreprise à évité ce qu'à mon avis elle craint le plus, à savoir un précédent où la transition entre deux contrats verrait pour la première fois baisser le montant payé par le système de recherche Français. De plus, le risque était grand que les quelques bibliothèques refusant de signer constatent que les désabonnements se révèlent relativement indolores : d'autres auraient été alors tentées de suivre leur exemple.
Je suis assez curieux de voir comment la situation va évoluer : il ne reste déjà plus beaucoup de temps avant les premières négociation pour le contrat commençant en 2016...